lunedì 20 dicembre 2021

Ucraina ha nuovo Ambasciatore presso la Santa Sede




 Ucraina nomina un nuovo Ambasciatore presso la Santa Sede 

di Yaryna Moroz Sarno


   Il 14 dicembre del 2021 con decreto pubblicato dall'Ufficio del Presidente è stato nominato dal presidente dell'Ucraina Volodymyr Zelenskyy un nuovo ambasciatore dell'Ucraina in Vaticano Andriy Yurash.

  Andriy Yurash (17 gennaio 1969) è un politologo (PhD), studioso della religione, esperto delle relazioni tra lo stato e la chiesa, dell'etnopolitica. Si è laureato con lode nel 1992 presso la Facoltà di Giornalismo dell'Università Nazionale Ivan Franko di Leopoli, era professore associato presso la Facoltà di Giornalismo dell'Università Nazionale a Leopoli e dell'Università Pedagogica di Mykhailo Dragomanov a Kyiv. Nel 1996 è entrato nell'Associazione Nazionale dei Giornalisti dell'Ucraina. Dal 1997 è membro dell'Associazione panucraina degli studiosi religiosi (dal 2007 - membro del Consiglio), è diventato uno dei fondatori dell'Associazione internazionale per lo studio della religione nell'Europa centrale e orientale. Nel 2007 è stato invitato a far parte dell'International Editorial Board of religion, state and society, pubblicato da Routledge, Taylor & Francis Group (Oxford, UK). Dal 2014 al 2020 era direttore del Dipartimento della Religione e le Nazionalità del Ministero della Cultura dell'Ucraina, dal 2020 nel dipartimento dell'etnololitica e religione del Segretariato del Consiglio dei Ministri. Ha partecipato attivamente alla questione del Tomos per la Chiesa ortodossa dell'Ucraina.
  Sposato, padre di tre figli, il figlio maggiore Svyatoslav Yurash (n. 1996) è deputato del partito "Servo del Popolo". Sua moglie, Diana Yurash è la produttrice e regista cinematografica, membro dell'Accademia Ucraina della Cinematografia. 

giovedì 2 dicembre 2021

SKOVORODA simbolo della rinascenza filosofica e culturale dell'Ucraina, di Pierre-Alexandre Machet



SKOVORODA symbole de la renaissance philosophique et culturelle de l’Ukraine.

di Pierre-Alexandre Machet



a) SKOVORODA et sa vision utopique de la nouvelle Ukraine

Selon VOLTAIRE, l’Ukraine a toujours rêvé d’être libre. Il n’y a rien d’étonnant que le premier philosophe ukrainien de l’époque des Lumières qui incarne par excellence l’homme éclairé du XVIII ème siècle, Gregory SKOVORODA, ait eu sa vision personnelle en ce qui concerne l’avenir possible de son pays. En étant un homme libre il a transformé sa liberté en une mission en prouvant la liberté de l’homme qui est la valeur suprême et qu’en étant libre on peut se connaître soi-même et ainsi parvenir à connaître Dieu. Pour ce philosophe ukrainien, la liberté, la nature et le bonheur sont les sujets de prédilection de sa pensée. En annonçant le concept de philosophie cordocentrique, il fait de l’Homme l’objet principal de sa théorie de ses préoccupations. 
L’Homme est pour SKOVORODA, l’objet essentiel de son étude. Selon SKOVORODA, la philosophie du cœur, prévoit que par les efforts cordocentriques, l’homme peut s’avancer vers la Sagesse. Ainsi, SKOVORODA rejette le rationalisme occidental sans ignorer pour autant le rôle de l’intellect, car selon SKOVORODA, il est nécessaire et doit être considéré comme une notion positive mais cependant secondaire qui a un rôle de support pour réaliser les orientations du cœur, parce que pour SKOVORODA l’intellect n’est juste qu’un instrument qui a pour défaut de vieillir avec le cerveau humain. En revanche, le cœur est capable de transmettre à la conscience toutes les pensées, toutes les opinions, toutes les réflexions en les reliant aux désirs du cœur. 
Pour SKOVORODA, être maître de soi-même, c’est être conduit par le cœur, car c’est le cœur qui est le véritable maître et l’intellect n’est qu’un serviteur obéissant. « Voilà comment SKOVORODA conçoit l’harmonie, l’équilibre des rôles respectifs de l’intellect et du cœur. Ce n’est pas par hasard que le peuple ukrainien désigne ainsi SKOVORODA : ‘Nach pershyj rozoum, « Notre premier sage », car la sagesse est une vertu à la fois de l’intellect et du cœur » 489 . En avançant sa philosophie cordocentrique SKOVORODA envisage comme obligatoire la création en perspective d’un nouveau type d’homme; par conséquent on peut dire que SKOVORODA est un philosophe à la fois romantique et utopique car il croit en l’Homme et le considère comme étant capable de s’élever de la terre vers le ciel. Selon le concept Skovorodien de « Cordocentrisme », l’Homme doit cultiver sa spiritualité se laissant guider par le cœur. Selon SKOVORODA ce travail intérieur sur la fidélité à soi-même conduit l’Homme vers la transfiguration. 
C’est ainsi que selon SKOVORODA peut apparaitre un nouveau type d’Homme. SKOVORODA nous propose donc un nouvel esprit, une sorte de renaissance, un nouvel Homme. « Lorsque l’Homme est saturé de pensées nouvelles, de visions nouvelles, imbu d’un esprit nouveau, évangélique : il renaît. Renaitre chaque jour, c’est se révéler à soi-même un peu de son moi-géant, un peu de son être intime ». 
A travers son œuvre poétique comme éducateur et avec la force de sa théorie philosophique, SKOVORODA a voulu transmettre à ses compatriotes l’idée de la formation d’un nouvel Homme, donc d’une nouvelle société, qui sera basée sur l’esprit évangélique qui a pour centre le cœur. 
C’est pourquoi en rêvant au Nouvel Homme, il a rêvé à la nouvelle Ukraine. « Dans l’Ukraine future je vois tout renouvelé, des hommes nouveaux, de nouvelles créatures, de nouvelles créations et une victoire nouvelle et glorieuse. Oh ! comme je me sens bien et léger dans cette nouvelle société. Comme je me sens heureux tranquille, plein d’amour et libre » . 
Aujourd’hui en Ukraine libre, cette théorie skovorodienne où l’Homme devient l’idéal de soimême, une telle incarnation de la personne de cœur peut malgré son aspect utopique enflammer l’aspiration de la société ukrainienne et provoquer de profondes recherches spirituelles aussi bien dans le domaine philosophique que dans celui de la foi. 
Dans les années 1970, Antoine Eugène KALUZNY a prédît que « la beauté des hommes cordocentriques s’élèvera à l’Est avec la renaissance du peuple Cosaque, du pays de SKOVORODA. Cela demande un travail constant, du courage, de l’héroïsme, du caractère, de la persévérance et de la patience. Cela demande surtout une foi inébranlable en l’homme et en Dieu ». L’on constate qu’aujourd’hui l’Ukraine est en train de redécouvrir les pensées de SKOVORODA mais se trouve encore très loin du pays rêvé par SKOVORODA. 
Or, d’après SKOVORODA, tout est possible car l’Homme est le projet constant. Donc, c’est à l’Ukraine de faire vivre les idées de son philosophe cordocentrique. De fait, l’on peut trouver tout ce que l’on veut chez SKOVORODA. Mais surtout il faut souligner l’originalité de sa philosophie cordocentrique. Pour lui tout dépend en quelque sorte du cœur qui est un signe de la transcendance. Malgré son cordocentrisme, SKOVORODA semble être un philosophe sans système. 
On note chez lui l’influence des philosophes de l’Antiquité et aussi l’herménetique biblique de SKOVORODA avec un pays idéal inspiré de sa notion cordocentrique avec un système multiculturel et pluraliste. On trouve chez ce philosophe le désir d’une société socialement juste où chacun trouverait le bonheur. Par ses idées SKOVORODA apparaît très en avance sur son temps.


b) SKOVORODA et son rôle dans l’idée nationale

Le plus grand philosophe ukrainien de tous les temps est SKOVORODA. Il appartient à la mémoire du peuple ukrainien, c’est pourquoi il n’est pas étonnant qu’après l’indépendance de l’Ukraine, quand la renaissance des mythes nationaux devient une grande préoccupation de ce pays, SKOVORODA soit reconu comme une personnalité importante pour l’Histoire ukrainienne. Bien sûr, le mythe de SKOVORODA est lié à un autre mythe ukrainien, l’Université Académie MOHYLA . 
Lorsque l’État ukrainien restitue les droits et les locaux d’autrefois à cet ancien établissement de prestige, cette grande École fait de son ancien élève, SKOVORODA, une gloire nouvelle pour elle. En quelque sorte, elle vit de la gloire de ce philosophe, donc elle entretient le mythe de SKOVORODA et elle relance recherches et manifestations liées à la personne de ce penseur. Ce qui distingue SKOVORODA des autres personnalités mythiques de l’Histoire ukrainienne, c’est son appartenance à l’activité intellectuelle de l’époque des Lumières. 
Pour les Ukrainiens, SKOVORODA est leur fierté intellectuelle, historique. Ce philosophe à l’état pur est le créateur de la philosophie ukrainienne et prouve que l’Ukraine n’était pas barbare au XVIII ème siècle, si elle a eu sur son sol, un philosophe de cette importance. Donc, SKOVORODA vaut plus aujourd’hui qu’autrefois. Pourquoi ? Parce qu’il représente une valeur sûre de la vie intellectuelle ukrainienne de maintenant. Sa mémoire a profité en quelque sorte de l’indépendance ukrainienne. 
Déjà en 1835, dans la revue russe « Teleskop », le chercheur A. HASDEN ne tarit pas d’éloge au sujet de cet intellectuel. Il a écrit en effet « Telle une montagne isolée au milieu de la steppe, se tenait SKOVORODA, tout seul, en son époque dans la vieille Ukraine » 493 . 
Au XXI ème siècle, ce personnage extraordinaire reste inégalé. On comprend mieux aujourd’hui pourquoi SKOVORODA est unanimement évoqué comme une figure emblématique du XVIII ème siècle ukrainien. Mais on comprend aussi mieux le rôle de l’Académie de Kiev dans le parcours de SKOVORODA. Car c’est ce milieu éclairé de son Académie qui a donné au philosophe le fondement de ses connaissances et a continué de l’inspirer après son voyage en Occident où il a découvert les nouvelles pensées des Lumières. Par conséquent l’analyse en liant ces deux phénomènes culturels de l’Ukraine nous permet de situer dans le temps et dans l’espace, la pensée naissante ukrainienne et de constater le rapport de SKOVORODA avec les Lumières. 
C’est à l’Académie de Kiev qu’il s’est initié à la philosophie antique et c’est là également que sa pensée se tourna vers l’Europe éclairée. C’est d’elle que lui vinrent ses inspirations. « Ce qui est certain c’est que l’Académie de Kiev était la seule institution de hautes études en Ukraine et donc la seule à offrir une synthèse condensée et un accès systématisé au trésor des civilisations occidentales ». Étant un mythe national, en quoi SKOVORODA peut-il être toujours important dans le monde intellectuel de l’Ukraine ? Que peut-on en tirer, encore aujourd’hui ? C’est grâce à l’existence de SKOVORODA que la philosophie ukrainienne peut reprendre. Peut-être, justement en étudiant encore et encore l’héritage de ce philosophe, la nouvelle philosophie va s’enrichir d’idées inédites. Il faut espérer que l’œuvre de SKOVORODA va inspirer les philosophes ukrainiens d’aujourd’hui. 
La pensée de SKOVORODA et son modèle de l’homme authentique ainsi que sa projection permanente sur la société peuvent aider les Ukrainiens à prendre conscience des gens et à favoriser les rapprochements entre l’Homme et la nature. Dans le contexte moderne de l’Ukraine on peut parler aujourd’hui d’un véritable enseignement de SKOVORODA à la société ukrainienne au sens le plus large et le plus noble du mot. Le terme le plus adapté à ce phénomène serait celui de « skovorodisme » qui engendre à son tour la naissance de nombreux « skovorodistes » (les adeptes de la philosophie de SKOVORODA ou des élèves spirituels). Or, ce qu’il importe de souligner ici, c’est le rôle des idées de SKOVORODA et leur influence sur la société ukrainienne contemporaine. 
Selon Tatiana SIROTCHOUK, ce n’est pas par hasard que la première université ukrainienne du XIX ème siècle a été ouverte à Kiev, ville où SKOVORODA a passé la plus longue période de sa vie et que l’Ukraine sans SKOVORODA serait restée encore sans aucune université moderne. Soulignons que sans aucun doute SKOVORODA est considéré comme un personnage d’une importance exceptionnelle, qui mieux que lui peut représenter l’Ukrainité ? En effet c’est grâce à sa pensée originale que le peuple ukrainien peut affirmer qu’il est rentré dans la civilisation, en quelque sorte grâce à SKOVORODA et avec SKOVORODA. Et l’originalité du peuple ukrainien, son originalité culturelle, passe d’abord par l’originalité de la pensée de SKOVORODA et de sa vie. 
Sachant qu’à l’époque de SKOVORODA le phénomène du Kobzar était très vivant, très présent dans la société ukrainienne, on peut faire le parallèle entre ce fait historique, typiquement ukrainien et la vie de SKOVORODA. En effet, ces bardes jouant de la kobza menaient eux aussi une vie errante; pour ce détachement du matériel et de leur mémoire historique, ils furent très appréciés par le peuple ukrainien. On peut envisager ainsi que SKOVORODA, au regard du peuple, a été leur kobzar, c’est-à-dire un de leurs sages, c’est pourquoi il était très populaire et très apprécié par les gens simples. 
Comme le dit Taras ZAKYDALSKYI : « Ils l’aimaient pour la vie exemplaire qu’il menait, pour ses protestations contre les abus des classes supérieures et aussi pour les chansons et fables qu’il a composées ». Les liens entretenus par SKOVORODA avec les gens les plus défavorisés apportaient à cet homme une certaine notoriété auprès des masses. Or, c’est surtout pour ses liens avec le peuple qu’il vit dans la mémoire collective ukrainienne jusqu’à nos jours. Nous pensons que le style de vie mené par SKOVORODA peut nous permettre de le considérer comme le philosophe du peuple dans le sens du terme le plus beau et le plus noble. 
L’originalité de SKOVORODA est soulignée par sa façon de vivre, d’autant plus qu’on ne connaît presque pas d’exemple semblable d’un philosophe errant qui pourrait comme SKOVORODA consacrer sa vie à la liberté de pensée. Nous croyons qu’il est impossible de séparer l’originalité des idées de SKOVORODA de son Être et de ses relations avec la société. Nous soutenons l’opinion de Taras ZAKYDALSKY: « Ma conjecture est que Skovoroda pensait que sa mission de renouveler les cœurs de ceux qui était autour de lui ne pourrait être accompli que par des contacts personnels. ». 
Par conséquent, tout de suite, nous pensons à deux de ses prédécesseurs! : le Christ et SOCRATE! Donc on peut affirmer sans équivoque que SKOVORODA a été un penseur libre et national déjà de son vivant, bien que son influence philosophique fut très limitée à son époque comme le prouve la première publication de ses œuvres parue en 1798, donc quatre ans après sa mort. Et ce fut le dialogue « Narcisse ». Pour une autre publication, il a fallu attendre 1861, et ce fut celle de I. T LISENKOV. Pour commémorer le centième anniversaire de la mort du philosophe, D. I. Bahalij a réalisé une édition de ses œuvres. En 1912, V. D. BONCH-BRUEVITCH a préparé l’édition des œuvres de SKOVORODA en deux volumes mais un seul volume parut. La première édition des œuvres complètes de SKOVORODA fut élaborée sous la direction de l’Académie des Sciences de l’Ukraine soviétique parue en 1961.
L’influence de SKOVORODA sur la pensée philosophique et la culture ukrainiennes au fil du temps devint de plus en plus riche, et cette influence sur la culture nationale a été possible grâce aussi aux spécialistes russes qui ont toujours considéré SKOVORODA comme un précurseur de la philosophie russe. C’est ainsi que SKOVORODA a été apprécié comme un philosophe très important par ERN, CHPET, ZENKOVSKY, FLOROVSKY et quelques autres, de même que par des écrivains russes comme DOSTOIEVSKY, SOLOVIEV et TOLSTOÏ. Aujourd’hui toute la particularité de la pensée skovorodienne, renforcée par l’intérêt pour elle de la nouvelle société ukrainienne, prend un nouvel élan et devient l’un des concepts de l’idée nationale ukrainienne. 
Donc SKOVORODA revient de façon légitime comme le prophète de son pays pour faire réapparaître l’Ukraine sur le chemin de l’application des idées et des valeurs démocratiques comme des normes de la vie sociale de ce pays libre, comme en rêvait son fils, ce philosophe errant qui a tant aimé le peuple ukrainien et a consacré sa vie pour changer l’Homme.


c) SKOVORODA et l’européanité

Le retour inopiné de l’Ukraine tant rêvé par les Ukrainiens depuis la nuit des temps peut être comparé à l’apparition miraculeuse de l’Atlantide. Ainsi, désormais, le peuple ukrainien qui revient comme « une nation de nulle part » s’affirme comme l’entité existante dans la mémoire européenne. Eclipsée pendant presque trois siècles, l’Ukraine veut réapparaître comme égale parmi les autres nations européennes. Pour cela, elle s’appuie sur son ancienneté en montrant et en faisant renaître ses acquits culturels comme héritage européen. Mais pour réussir sa renaissance et pour prouver aujourd’hui son existence légitime, l’Ukraine a besoin que l’Europe s’efforce de se souvenir d’elle quand elle faisait partie intégrante de la civilisation du Vieux Continent. Pour répondre à l’appel de l’Ukraine, la question se pose de savoir à quelles périodes l’Europe doit-elle revenir pour creuser dans la mémoire européenne.
Les historiens ukrainiens qui réécrivent à nouveau l’Histoire de leur pays veulent à tout prix prouver l’appartenance des Ukrainiens à l’Europe depuis déjà l’époque de l’antiquité, et malgré tous ces efforts, leurs concepts nous paraissent peu crédibles. En revanche, avec certitude indiscutable, l’époque des Lumières peut être considérée comme la période historique faisant référence à l’européanité du peuple ukrainien. En effet quels indices nous prouvent l’exactitude de cette idée ? La réponse est simple, c’est la figure incontournable de la culture ukrainienne, le philosophe Grigori SKOVORODA. On ne peut pas rêver mieux pour le peuple ukrainien d’atteindre le niveau international par sa philosophie originale. La pensée skovorodienne par elle-même sauve l’Ukraine de l’oubli. En étant Ukrainien ce philosophe appartient à l’Histoire de la civilisation européenne. 
Comme cela a été démontré plus haut, la philosophie de SKOVORODA a attiré depuis toujours les spécialistes de ce domaine aussi bien dans son pays qu'à l'étranger. Même à l’époque soviétique, les philosophes marxistes se penchaient sur l’héritage de ce premier véritable philosophe de l’Europe Orientale. Pour mettre en concordance les pensées de SKOVORODA avec l’idéologie communiste, les philosophes soviétiques manipulèrent l’héritage skovorodien de telle façon, que selon eux, SKOVORODA devient un philosophe révolutionnaire, marxiste dialecticien. Son style de vie a joué un rôle important pour montrer que SKOVORODA a rejeté la société dans laquelle régnaient l’inégalité et l’exploitation de l’homme par l’homme.
La critique des dogmes de l’Église par SKOVORODA et ses opinions au sujet de la Bible considérée par lui comme un conte, furent des prétextes pour les chercheurs soviétiques pour affirmer que SKOVORODA était surtout le poète des pauvres, donc du prolétariat. Ainsi les œuvres littéraires de SKOVORODA furent inclues dans les programmes des écoles du deuxième cycle à partir de la cinquième et des notions sur la pensée de SKOVORODA furent enseignées dans les cours de philosophie à l’Université. L’étude de l’héritage plus complet de SKOVORODA a été obligatoire dans les programmes des facultés de Lettres à l’Université ou dans les Instituts pédagogiques. Chaque année des centaines de milliers de jeunes soviétiques ont écrit leur dissertation au niveau de la licence, du Master, du DEA. Or, bien sûr, tous ces travaux incluant les thèses de doctorats et les manuels des professeurs ne s’éloignaient pas du concept marxiste. 
En même temps, l’Occident n’est pas resté indifférent à ce phénomène philosophique de l’Europe de l’Est. Ainsi plusieurs travaux sur SKOVORODA furent effectués dans plusieurs pays d’Europe Occidentale durant le XX ème siècle, plus specialement en Italie, en Pologne, en Allemagne et bien sûr en France. De nombreuses recherches suivirent aux USA et au Canada (voir Bibliographie, p. 395). Les regards portés sur la pensée de SKOVORODA sont multiples et l’interprétation des chercheurs de l’Ouest fut naturellement opposée au concept soviétique. 
Avec le temps, les choses se remirent à leur place. La gloire soviétique de SKOVORODA a vécu. Mais la nouvelle époque commencée avec l’indépendance de l’Ukraine s’ouvre à la philosophie de SKOVORODA. Aujourd’hui, l’Ukrainité de SKOVORODA est prouvée et admise sans équivoque. Mais, malgré tous les efforts des Ukrainiens pour que les Russes ne touchent pas à « leur philosophe », les Russes continuent leurs travaux sur ce grand philosophe. Comme exemple de cela, on peut présenter le livre de MARTCHENKO O.V. Grigorij SKOVORODA i russkaja filosofskaja mysl’ XIX-XX vekov [Grégoire SKOVORODA et la pensée philosophique russe : XIXème -XXème siècle].
L’auteur de cet ouvrage explique que la figure de Grégoire Savitch SKOVORODA (1722- 1794) dans l’Histoire de la philosophie de son pays devient dans ce sens complètement particulière. « Étant représentant de la Tradition culturelle et philosophique ukrainienne, lié surtout à l’école Kiévienne, dans l’esprit philosophique russe, il a été présent et dans de nombreux cas, continue d’être jugé en qualité de premier philosophe russe et jouant à cause de cela un rôle d’importance exceptionnelle : le rôle de « predtetcha » de la pensée philosophique spécifique russe, d’ailleurs cela concerne les penseurs de type slavophile et néo-slavophile ainsi que des philosophes d’orientation occidentaliste et néooccidentaliste ».
Aujourd’hui on peut constater que les spécialistes russes reconnaissent que SKOVORODA a appartenu à un autre monde culturel, à une autre formation philosophique que celle de la philosophie russe des XVIIème -XVIII ème siècles. A l’unanimité, eux disent que malgré le fait que la source d’inspiration pour SKOVORODA ait été, sans aucun doute, la pensée originale philosophico religieuse de l’Ukraine du XVIII ème siècle, SKOVORODA va rester pour toujours le point de départ de la philosophie russe; cela est indiscutable car c’est ainsi que voyaient le rôle de SKOVORODA dans la philosophie russe de tels esprits illustres comme V. ERN, B. ZENKOVSKY, G. CHPET etc... Le travail de MARTCHENKO s’ajoute aux autres ouvrages consacrés à la vie et à l’œuvre de SKOVORODA écrits dans plusieurs pays en plusieurs langues. Parmi eux on peut citer les noms suivants : D. I. BAGALEÏ, N. F. SOUMTSOV, D. I. TCHIŽEVSKY, A. E. KALOUŽNY, I. IVANIO, You. A. BARABACH, L. V. OUCHKALOV, E. VON ERDMAN, J. MIRCUK, I. ZAKYDALSKY, R. HANTULA, E. VOLSKY etc…
Depuis l’indépendance de l’Ukraine, la tendance est à l’augmentation des publications et des travaux sur le philosophe ukrainien SKOVORODA. En devenant une référence pour l’européanité de l’Ukraine, SKOVORODA se retrouve au centre des intérêts des chercheurs partisans de l’idée selon laquelle l’Histoire de l’Ukraine c’est une partie de l’Histoire de l’Europe. 
Ce concept a été brillamment exposé par Tatiana SIROTCHOUK dans son ouvrage La vie intellectuelle et littéraire en Ukraine au siècle des Lumières dont la troisième partie est consacrée entièrement à SKOVORODA et porte le titre de « Des Lumières à une Lumière : le XVIII ème siècle de Grégoire SKOVORODA ». A travers ces recherches Tatiana SIROTCHOUK montre et démontre les liens entre la vision philosophique de Grégoire SKOVORODA et les pensées des Lumières, comme ROUSSEAU et VOLTAIRE. La manière de vivre de SKOVORODA et son idée de confronter, d’opposer l’homme naturel et l’homme social inspire l’auteur et le renvoie « inévitablement à la doctrine du retour à l’état de nature dont ROUSSEAU fut l’inventeur et le plus fervent adepte ». 
Selon D. BAHALIJ, SKOVORODA a été à la fois « philosophe et réformateur religieux », pour ce philosophe la religion doit être sans dogme. Ainsi Bahalij avance une idée selon laquelle pour SKOVORODA « la religion philosophique lui tenait lieu de philosophie et la philosophie qui lui tenait lieu de religion ». Cette croyance philosophique originelle de SKOVORODA pour Tatiana SIROTCHOUK apparait comme demandée et déplacée dans le siècle de la raison, excepté pour VOLTAIRE qui a affirmé : « Si Dieu n’existait pas il faudrait l’inventer ». Selon Tatiana SIROTCHOUK, cette similitude de faire lier dans la mentalité des philosophes du XVIII ème siècle, la philosophie et la théologie prouve que « SKOVORODA présente une cohérence évidente avec l’esprit européen, une cohérence hasardeuse sans doute si on se rappelle qu’il est théologien de formation, mais c’est surtout par ses réflexions libres et ses interprétations non-orthodoxes du Livre Saint qu’il adhère à la quête spirituelle d’un temps marqué par une religion philosophante ».
L’Ukraine dans ce parcours difficile et non évident suscite le plus profond intérêt de la part des chercheurs européens. Après l’indépendance du pays, Arkady JOUKOVSKY a écrit la première Histoire de l’Ukraine en français publiée en 1993. Andréas KAPPELER, chercheur allemand, a aussi écrit Petite histoire de l’Ukraine qui a été traduite en français et a paru en France en 1997. Le petit livre d’Olivier LAROUSSILHE L’Ukraine a été édité aux Presses universitaires de France en 1998. Ce livre aussi retrace l’Histoire de cette nation oubliée. Tous ces ouvrages partent du même constat que l’on ne connaît pratiquement rien en occident sur l’Ukraine. Ces auteurs sont ceux qui firent découvrir à l’Europe, l’Ukraine en tant que pays à part et donc original. Depuis ses diverses publications en Europe, l’Ukraine est sans arrêt présentée comme un sujet de recherches menées par les spécialistes européens.
Parmi les œuvres les plus remarquables consacrées à l’Ukraine, on peut citer spécialement l’ouvrage de Tatiana SIROTCHOUK La vie intellectuelle et littéraire en Ukraine au siècle des Lumières. L’auteur a pour but de définir l’apport et la place de l’Ukraine dans le phénomène intellectuel des Lumières. Cette chercheuse ukrainienne à l’Université de Nancy I dessine l’image de l’Ukraine à cette époque en utilisant largement des archives de toutes sortes, aussi bien ukrainiennes que françaises. Selon elle, l’Ukraine a bien adhéré à l’époque à l’atmosphère des Lumières et à leurs grandes valeurs parmi lesquelles, au premier rang, se trouvent le progrès de la raison, la diffusion du savoir et le combat pour la liberté.
Plusieurs de ces approches en Ukraine au XX ème siècle furent assurées par l’Académie MOHYLA de Kiev qui a joué un rôle de premier plan dans la vie intellectuelle d’une Ukraine ouverte sur l’Europe. Tout au long de son livre, l’auteur cherche des parallèles entre la pensée philosophique occidentale et celle de l’Ukraine. 
En passant de VOLTAIRE, DIDEROT ou ROUSSEAU à SKOVORODA, Tatiana SIROTCHOUK cherche les preuves de cohérence entre la philosophie originale du philosophe ukrainien et les pensées des Lumières. Souvent cette ténacité pour prouver la « luminosité » occidentale de la pensée de SKOVORODA est trop forcée à notre avis. Le concept de T. SIROTCHOUK parait marqué par le goût du temps, car aujourd’hui, les Ukrainiens se forcent de prouver leur originalité européenne. Souvent les chercheurs ukrainiens, dans ce but exagèrent un peu. En ce qui concerne le domaine de la philosophie ukrainienne, aujourd’hui on peut dire qu’elle est tournée vers le passé. Même si on voulait que cela se passe autrement, on constate que la philosophie ukrainienne rencontre une véritable crise concernant de nouvelles tendances. 
La situation est sauvée par le « Skovorodisme » : des études larges et profondes de l’héritage de Grégory SKOVORODA, le premier philosophe du XVIII ème siècle. Cette personnalité devient un héros national et son esprit éclairé inspire aujourd’hui les intellectuels ukrainiens à tel point qu’ils font des pensées de SKOVORODA l’idée nationale de l’Ukraine moderne. La popularisation de l’œuvre de SKOVORODA est prise très au sérieux par le gouvernement; cela est soutenu par les centres intellectuels et surtout les Universités. 
Le nom de SKOVORODA est attribué à des écoles, à des lycées, à des collèges, à des Universités, à des rues; de nombreux monuments sont érigés à sa gloire. De multiples prix culturels portent le nom de SKOVORODA. Ce qui nous rejoint, ce sont les traditions philosophiques qui s’installent en Ukraine. Ainsi l’Académie MOHYLA comme « alma mater » de SKOVORODA reste le phare de développement intellectuel et philosophique dans ce pays. Parmi les traditions on peut apprécier les Lectures Skovorodiennes qui ont lieu à l’Université de Kharkiv et à l’Université de Periaslav Khmelnytskyj. Dans le cadre de ces Lectures participent de nombreux spécialistes occidentaux. 
Ainsi, SKOVORODA reste une figure centrale dans l’idée nationale de reconstruction de l’Ukraine. Il reste aussi la personnalité incontournable dans le domaine intellectuel. S’il fût en avance sur son temps, peut-on dire aujourd’hui que le temps est venu pour que sa philosophie de l’Homme et son concept de philosophie cordocentrique puissent enfin être entendus par le peuple ukrainien ? Pour ce visionnaire, le but suprême de la vie de l’Homme sur la terre serait d’actualiser tous ses pouvoirs, ses capacités du corps et de l’esprit, ainsi que de la volonté et du cœur. C’est justement de ces valeurs humaines que la société ukrainienne a besoin aujourd’hui pour devenir une nation vraiment démocratique au sein de l’Europe libre.





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Fonte: Pierre-Alexandre Machet. Tradition culturelle et spécificité de la tradition philosophique en Ukraine. Littératures. Université Michel de Montaigne - Bordeaux III, 2014. (citaz. pag.177-186).
Tradition culturelle et spécificité de la tradition philosophique en Ukraine (archives-ouvertes.fr)



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